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08/05/2018
Le précédent film du réalisateur, "Lebanon", avait conquis le lion d'Or à la Mostra de Venise 2009 mais ne m'avait qu'à moitié convaincu. "Foxtrot" a reçu le Lion d'Argent (Grand Prix du Jury) de l'édition 2017. Deux films, deux prix ? C'est un joli parcours mais ce qui m'a convaincu de voir le film est le début d'une critique lu sur le site lemonde.fr qui racontait comment le film était pris en grippe par la ministre de la culture israélienne :
" Depuis sa première à Tel-Aviv, le 28 août 2017, Foxtrot est poursuivi par la vindicte de la ministre de la Culture israélienne, Miri Regev. La présentation du deuxième long-métrage de Samuel Maoz à la Mostra de Venise quelques jours plus tard, sa sélection pour représenter Israël aux Oscars, sa projection en ouverture du Festival du cinéma israélien de Paris en février, chacun de ces épisodes a excité l’aigreur de la ministre qui s’est tour à tour affligée du Lion d’argent remporté par Foxtrot à Venise (« C’est la preuve que l’État ne doit pas financer des films qui peuvent être utilisés comme des armes de propagande aux mains de nos ennemis »),réjouie qu’il ne soit pas nommé à l’Oscar du film en langue étrangère, avant de demander à l’ambassade d’Israël à Paris de retirer son soutien à la manifestation qu’ouvrait le film de Maoz. "
Avouez que cela donne envie d'en savoir plus ? C'est ce que j'ai fais en filant aux Halles avant que le film ne disparaisse de l'affiche. Le résultat m'a d'abord interloqué et, comme souvent dans les très bons films, il a mis un peu de temps à infuser et s'imposer comme l'un des films qui a de grandes chances de terminer sur mon podium à la fin de l'année.
Difficile de parler du film sans trop en dire sur l'histoire donc si vous me faites confiance et si vous fréquentez ce site depuis un petit moment et que vos goûts sont similaires aux miens, arrêtez-vous de lire et foncez voir ce film au cinéma ou ailleurs.
Vous êtes encore là ? Go !
Je ne suis pas très calé en danse donc je ne connaissais pas les mouvements du Foxtrot, cette danse assez simple qui demande de faire deux pas un avant, un pas de coté... puis deux pas en arrière et un pas qui ramène... au départ. La symbolique sera développée un peu trop longuement vers la fin du film mais tout est là : le mouvement perpétuel qui ne fait pas avancer.
D'un côté la société civile qui vit dans un monde lisse et bien ordonné. Le fils de la famille est une fierté avec son choix de rentrer dans l'armée. Tout est sous contrôle dans al vie de ses parents, il n'y a pas le temps de penser aux opérations militaires auxquelles participe continuellement Israël. Tout va bien ? Oui, jusqu'à ce qu'on toque à la porte pour annoncer le décès de ce dernier.
La mère ne supporte pas la nouvelle et s'évanouit ? Elle sera mise sous médicaments par le médecin de l'armée comme pour oublier ce mauvais rêve. Le père a du mal à intégrer la nouvelle et espère se réveiller de ce mauvais cauchemar ? Le seul soutien apporté par l'armée est de lui conseiller/imposer de boire un verre d'eau par heure et de choisir la manière dont sera enterré son fils.
De l'autre coté, les militaires en opérations ont une image bien éloignée des démonstrations de force vues à la télé. Les 5 soldats vivent dans un container qui tangue dangereusement et manque d'être englouti. Ils s'ennuient toute la journée et la barrière qu'ils tiennent au milieu d'une modeste route de campagne s'ouvre plus souvent pour faire passer des chameaux que des voitures.
L'attente est interminable et c'est finalement une canette qui fera tout basculer. L'absence de combat conditionne finalement davantage ces hommes qu'une présence constante au contact de l'ennemi. Le réalisateur ne juge pas les soldats et montre comment l'armée enterre au sens propre comme au sens figuré cet incident. Circulez, il n'y a rien à voir.
Dans la troisième partie, c'est le destin qui est interrogé : le père se rappelle qu'il est passé près de la mort par chance, puisqu'il avait cédé la première place d'un convoi autoroutier sans raison et que la voiture devant lui avait sauté sur une mine. Chanceux.
Il lance par contre le mouvement pour que son fils soit immédiatement rapatrié quand l'armée lui indique que c'est un homonyme qui est décédé ce qui mènera à la mort de ce dernier, non pas en sautant sur une mine mais par un banal accident de la route provoqué par la présence d'un chameau planté au milieu de cette dernière. Pas chanceux.
Les hommes, par leur égoïsme, créent le chaos autour d'eux ? Ce pourrait être un des messages du film mais ce serait simpliste et ce serait oublier les passages ou le père parle à la grand-mère : j'espère que vous avez pu voir le film en VO ou que la VF aura laissé l'aïeule parler en allemand (!). Cette grand-mère qui danse avec un homme en pyjama rayé, qui dit comprendre ce que dit son fils mais qui, en réalité, est complètement hors du temps...
Bref, j'ai mis deux jours à digérer ce film et vraiment apprécier toutes ses qualités et, alors que j'écris cette critique, j'ai encore l'impression d'avoir du mal à mettre les mots sur ce tableau impressionniste d'une extrême clarté qui s'impose comme un grand film qui marquera l'année 2018. Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas autant enthousiasmé donc j'espère que l'année cinématographique est enfin lancée !
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